Aucun ordre professionnel n’est en droit de fixer une méthode de calcul de la rémunération en matière de maîtrise d’ouvrage : telle a été la décision de l’Autorité de la concurrence rendue à l’encontre de l’Ordre des architectes le 30 septembre 2019, décision qu’entérina la Cour d’appel de Paris par un arrêt en date du 15 octobre 2020.
La rémunération des maîtres d’ouvrage, une donnée destinée à être discutée librement
L’ordre des architectes, une association composée de six sociétés d’architectes et de quatre architectes réunis, avait élaboré, sur la base d’un guide publié par la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), une méthode de calcul d’honoraires obligatoire et mis en œuvre des mesures contraignantes pour la faire appliquer.
Aux termes des dispositions du Code de la commande publique, estima l’Autorité de la concurrence devant qui l’affaire fut traitée en premier, le montant de la rémunération des architectes est forfaitaire, fixée contractuellement et « tient compte de l’étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux ». Il ressort donc de ces dispositions que les honoraires en matière de maîtrise d’ouvrage publique doivent faire l’objet d’une discussion libre entre l’architecte et le maître d’œuvre sur le fondement des déterminants précisés par le Code. La diffusion par l’ordre des architectes d’une méthode de calcul des honoraires obligatoire empêchait cette discussion libre entre les parties et constituait donc une violation des articles 101, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne et L. 420-1 du code de commerce. L’Autorité sanctionna par conséquent les mis en cause pour pratique anticoncurrentielle et les condamna à verser une lourde amende, décision qu’il attaquèrent devant la Cour d’appel de Paris.
Les guides élaborés par les pouvoirs publics à l’intention des acheteurs ne peuvent servir les desseins des opérateurs économiques
En élaborant un guide « à l’attention des maîtres d’ouvrage publics », la MIQCP avait une intention claire : leur donner « des points de repère pour une évaluation de l’enveloppe prévisionnelle à affecter aux honoraires de maîtrise d’œuvre dans leur programmation budgétaire » et les aider, par le même biais, dans « le choix de la procédure de consultation » au regard des seuils de passation des marchés en vigueur. Ce guide n’avait donc aucunement pour vocation de fixer une grille tarifaire pour l’ensemble des professionnels concernés.
En faisant de ce guide une référence pour le calcul des montants d’honoraires, l’ordre des architectes a détourné ce document de sa vocation propre et a empêché que le jeu de la concurrence puisse s’exercer librement par la pratique de tarifs différenciés. Il a, par ce fait, affecté les collectivités engageant des deniers publics. La Cour entérina donc la décision de l’Autorité de la concurrence et confirma la sanction pécuniaire de 1.500.000 € dont avait étés frappés les mis en cause.