Un litige réglé récemment et opposant la ville de Marseille à une entreprise d'éclairage public a mis en lumière une pratique originale utilisée occasionnellment par les acheteurs publics : le tirage au sort d'un détail quantitatif estimatif (DQE) dit masqué pour jauger du prix d'une prestation.
La procédure se déroule en deux temps :
- Pour un marché donné, l'acheteur public, sans avoir à prévenir les candidats, élabore des simulations de commande sur la base des bordereaux unitaires (BPU); elle obtient ainsi plusieurs DQE dits "masqués", terme faisant référence au fait qu'elle n'a pas eut à informer les entreprises à l'origine des BPU.
- L'acheteur public tire ensuite au sort un DQE, correspondant à une simulation de commandes donnée; il va servir de base à la détermination du critère prix pour le marché donné.
Le marché d'éclairage marseillais avait été d'abord retoqué par le juge du référé précontractuel qui jugeait que l'introduction d'un tirage au sort constituait un manquement aux obligations de mise en concurrence. Dans un arrêt du 16 novembre, le Conseil d'État a toutefois annulé l'ordonnance en indiquant que le tirage au sort pouvait tout à fait être légal à condition de respecter trois conditions :
- les simulations effectuées pour déterminer les DQE masqués doivent toutes correspondre à l'objet du marché,
- le choix du contenu de la simulation ne doit pas avoir pour effet de privilégier un aspect qui dénaturerait le critère prix,
- les montant de l'ensemble des offres après la détermination des DQE masqués doivent être reconstitués sur la base de la même simulation.
Par ailleurs, le rapporteur public a estimé lors de l'audience que le tirage au sort dans ce type de situation permettait de limiter les fuites et le favoritisme. Le Conseil d'État n'a donc laissé plané aucun doute : l'acheteur public dispose bien du droit "d'avancer masqué" dans certaines circonstances bien déterminées.