Après la préfète des Pays de la Loire, c’est au tour de la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Mme Martine Vassal, de remettre le sujet de la « clause Molière » sur la table. Cette dernière a en effet déclaré qu’elle compte l’introduire dans tous les appels d'offre de son département.
Déclarée illégale par le gouvernement dans une instruction interministérielle en avril 2017, le tribunal administratif de Nantes jugé par la suite qu’une clause imposant l’emploi d’interprètes par les entreprises afin d’assurer la compréhension du français sur un chantier n’était pas illégale si elle était dûment justifiée et proportionnelle à l’objectif recherché par l’acheteur.
S’appuyant sur cette décision du juge, Mme Martine Vassal a souligné l’importance de la « clause Molière » pour assurer la sécurité sur les chantiers. Pour illustrer ses propos, elle a déclaré : « Si on dit : "Attention, une poutre va tomber" sur un chantier, il faut que tout le monde puisse comprendre pour éviter un drame. ».
Assurer la sécurité, oui, mais à quel prix ?
Mme Vassal reconnait que la sécurité n’est pas sa seule préoccupation. Dans une période de chômage élevé en France, la « clause Molière » peut servir d’outil de lutte. En effet, en imposant certains standards de compréhension du français dans les marchés publics, cette clause peut avoir pour effet de limiter l’accès aux travailleurs détachés, laissant donc plus de place pour les travailleurs français.
Or, limiter l’accès au marché du travail français à des personnes venant d’autres Etats membres présente le risque d’enfreindre la liberté de mouvement au sein de l’Union Européenne. En effet, l’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne dispose « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats Membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ». Rappelons que la réglementation des marchés publics en France interdit toute forme de discrimination entre les candidats, en exigeant la liberté d'accès et l’égalité de traitementtout au long des procédures.
Il sera donc intéressant de suivre les déclarations et décisions à venir concernant la « clause Molière ». Un appel sera-t-il formé à l’encontre de la décision du Tribunal Administratif de Nantes ? Si oui, quelle sera le verdict ? Comment s’assurer que la « clause Molière » ne devienne pas un outil de discrimination à l’encontre des travailleurs détachés?