La "clause Molière" a suscité un certain nombre de débats au cours des derniers mois. En novembre dernier, c'est la région Normandie dirigée par Hervé Morin (UDI) qui décidait de faire voter une clause imposant la compréhension et l'usage du français sur les chantiers. Cette idée de “clause Molière”, motivée à la fois par la lutte contre les travailleurs détachés et la sécurité sur les chantiers, vient toutefois d'être jugée illégale par le gouvernement.
Ce ne sont pas moins de quatre ministres qui se sont exprimés par l'intermédiaire d'une instruction interministérielle datée du 27 avril : la Ministre du travail Myriam El-Khomri, le Ministre de l'économie Michel Sapin, le Ministre de l'intérieur Mathias Fekl et le Ministre de l'aménagement du territoire Michel Baylet. Le texte rappelle surtout qu'aucune disposition des collectivités territoriales ne saurait s'opposer à la directive européenne sur le détachement de travailleurs.
Par ailleurs, les ministres entendaient rappeler plusieurs points relatifs à la protection des travailleurs :
- aucune règle ne peut venir créer des “discriminations directes ou indirectes à l’égard des opérateurs économiques et des travailleurs d’autres États membres”,
- la lutte contre le travail illégal et l’emploi irrégulier de travailleurs détachés est déjà traitée par le droit national et l’action gouvernementale,
- le Code du travail français impose un “noyau dur de droits” à laquelle l’ensemble des employeurs doivent se plier, valable également pour les travailleurs détachés,
- sur les problématiques de langues parlées sur les chantiers, les maîtres d’ouvrage ont pour obligation d’afficher la réglementation en vigueur “traduite dans l’une des langues officielles parlées dans chacun des États d’appartenance des salariés détachés”.
Ces précisions éludent quelque peu la question de la langue parlée par les travailleurs entre eux. Pour certains partisans de la "clause Molière", notamment la Fédération française du bâtiment, il s'agissait d'éviter les "effets Tour de Babel" sur les chantiers, favorables à des accidents selon eux. Mais le gouvernement actuel a statué : imposer la maîtrise du français demeure une pratique discriminatoire qui “porte atteinte au principe d'égal accès à la commande publique".